Résilience suite à une relation toxique : Mon interview avec Virginie Loÿ (Podcast #2)

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Hello vous tous, 

Pour ce deuxième podcast, j'ai souhaité aborder ce qui se passe lorsque l'on parvient à sortir d'une relation toxique, et que s'ouvre la phase de la "reconstruction" émotionnelle et psychologique.

J'ai donc invité Virginie L​oÿ auteure du Livre Sortir d'une relation abusive, coach certifiée de la Life Coach School de Brooke Castillo et webmaster du blog Une chose par jour, à nous parler de son expérience personnelle et à partager certains de ses conseils de coach. 

Au programme notamment : 

- Comment prendre conscience que l'on est englué dans une relation toxique ?

- A quoi fait-on référence lorsque l'on parle de violence dans une relation ?

- Le no contact, LA condition pour rompre avec un/une PN ?

- Comment se pardonner les années "sacrifiées" (temps, argent, énergie, contact avec des personnes saines) durant sa relation avec une personne toxique ?

-  Que penser de la volonté d'être reconnue comme victime ​pour pouvoir avancer dans sa reconstruction post-relation ?

Et bien d'autres choses encore. 

J'espère que ce podcast vous plaira, et comme d'habitude, n'hésitez pas à me faire part de vos commentaires. La retranscription du podcast se trouve juste en dessous de la vidéo. 

Bonne écoute !

Bonjour et bienvenue dans ce podcast du blog Maria Medita. Je suis Maria et dans cet épisode, j’ai invité Virginie Loÿ, coach et auteure du livre sortir d’une relation abusive​ pour parler de résilience à la suite d’une relation toxique.

Bonjour Virginie ! Merci beaucoup d’avoir accepté cette interview avec moi. Tu es Virginie Loÿ, tu vis donc en Finlande ?

Virginie Loÿ : Oui.

Maria : Tu as 55 ans et tu es auteure du blog une-chose-par-jour.com​ ainsi que d’un livre qui vient de sortir aux éditions Eyrolles :  sortir d’une relation abusive​. Alors en fait si t’es d’accord, pour démarrer cette interview, j’aimerais qu’on revienne un petit peu sur ton parcours et ton histoire et que tu nous expliques pourquoi tu as décidé de créer ton blog.

Alors, j’ai décidé de créer mon blog parce que j’ai été victime moi-même de violences conjugales il y a relativement longtemps puisque je suis sortie de cette relation en 2003.

​Et je suis un cas d’école pratiquement dans toutes les choses qu’il ne faudrait pas faire :

  • j’ai fait des erreurs dans ma reconstruction personnelle en ne me posant pas les bonnes questions,
  • ​l’acte de violence le plus grave que j’ai subi, l'a été après la séparation, parce que je ne savais pas, à l’époque, que c’est la période la plus dangereuse,
  • et puis j’ai mis un certain temps à trouver les ressources pour donner du sens à ce que j’avais vécu, et ne plus faire en sorte que ce soit cette expérience qui me définisse, mais moi qui définisse ce que j’avais vécu.

Et je me suis aperçue au fil du temps, qu’en fait, ma vision de la reconstruction, ma vision de cette expérience, était assez différente de ce qui est accessible sur le net actuellement et que j’avais ma pierre à apporter à cet édifice.

Résilience suite à une relation toxique : utilisation du mondèle Brooke Castillo

Maria : OK. Alors ​au fil de cette interview on va revenir un peu plus concrètement sur ce qui différencie ton point de vue de comme tu dis, de ce qu’on peut trouver ailleurs sur le net, mais la première chose que je voulais te demander, c’est ​que j’ai vu que te étais certifiée de la Life Coach School fondée par Brooke Castillo ?

Virginie Loÿ : C’est ça.

Maria : Et c’est sur cette base que tu offres des coachings ?

VL : Ouais.

Maria : Et en fait je voulais savoir, alors en vraiment schématisé, qu’est-ce que c’était que le modèle Brooke Castillo ?

VL : ​OK. Alors le modèle de Brooke Castillo : Brooke est une coach américaine et l’école qu’elle a fondée est une des plus prestigieuses actuellement aux Etats-Unis.

​En fait, elle a créé un modèle qui est ​une grille à cinq lignes dans laquelle on peut rentrer toutes les situations de la vie, donc qui nous permet en fait de prendre du recul par rapport à ce qui nous arrive ​afin de décomposer n’importe quelle situation et comprendre là où on a notre pouvoir de changer quelque chose - ce qui n’est jamais changer les autres, ou changer son passé.

Donc elle n’a pas inventé le processus, mais elle l’a formalisé dans un modèle à cinq lignes qui sont :

  • les circonstances,
  • notre pensée par rapport à ces circonstances
  • cette pensée va générer en nous une émotion
  • émotion qui va créer nos actions
  • et la somme de nos actions va créer les résultats qu’on voit dans notre vie.

Et donc si on veut changer nos résultats, il faut qu’on change nos actions, pour changer nos actions, il faut qu’on change nos émotions, et pour changer nos émotions, il faut changer notre pensée et la pensée, elle est dans notre tête, et on a 100 % le pouvoir sur notre pensée.

Donc on ne pourra jamais changer les autres, on ne pourra jamais changer notre environnement, notre passé, la météo, etc., mais nos pensées, là, on a 100 % de contrôle.

Maria : Et d’ailleurs, j’ai vu que tu l’as expliqué dans ​ton livre de manière très concrète, en donnant même des exemples et des exercices à faire.

Virginie Loÿ : Oui parce que c’est un exercice, c’est une discipline en fait qu’on peut acquérir assez facilement. Et avant de devenir coach certifié de la Life Coach School de Brooke Castillo, j’ai en fait commencé par suivre son podcast, par devenir une de ses élèves,  et je me suis aperçue que je réussissais à faire des changements réels dans ma vie. C’est là que je me suis dit : « bah là vraiment, j’ai un outil qui va me permettre d’aider les autres ».

​Maria : Alors justement, peut-être en parlant de cette analyse des pensées dont on n’a pas nécessairement conscience, est-ce que toi tu as identifié des indices ou des éléments qui peuvent faire prendre conscience à des personnes qu’elles sont engluées dans une relation toxique ?

Relation toxique : ​indices pour la détecter

Virginie Loÿ : Oui. Alors il y a pas mal de choses différentes parce qu’on est tous différents, et ce qu’une personne peut considérer comme toxique pour elle ne l’est pas forcément ​pour une autre.

J'en parle d’ailleurs dans mon livre où je cite l’exemple d’une personne qui, au travail, ressent un nouveau chef de manière toxique alors que son collègue ne vit pas du tout l’expérience de la même manière. Donc ce qui montre que la toxicité n’est pas forcément dans une autre personne, mais dans la relation qu’on établit avec cette autre personne.

Mais j’ai quand même identifié cinq éléments qui sont pratiquement toujours présents et auxquels vraiment on peut faire attention qui sont : 1/le doute, 2/l’isolement, 3/la dépendance, 4/la peur et 5/la dépression.

Relation toxique, indice #1 : Le doute

​Le doute, c’est le moment où on commence à se demander : « est-ce que je vis, c’est normal ? ». Quand on se commence à se poser des questions, à essayer de rationaliser par rapport à ce qu’une relation devrait être, à ce qu’elle est chez les autres, ​que l'on se demande ​ « est-ce que je réagis normalement ​? » etc., ​en général ​il s'agit d'un indicateur que quelque part, quelque chose ne fonctionne pas bien pour nous.

Relation toxique, indice #2 : L​'isolement

​L’isolement n’est pas forcément physique, c’est-à-dire qu'on n’est pas forcément dans un trou où on ne parle à personne. On peut même être très entouré. Mais on a une impression de déconnexion, c’est-à-dire qu’on ne parle plus de choses qui nous arrivent à nos proches, parce qu’on a honte, parce qu’on est mal, etc. Donc on finit par s’isoler, on ne sait pas à qui on devrait demander des conseils ​et on crée un isolement qui n’est pas forcément apparent au monde extérieur. Mais on se sent seul avec son problème et on ne sait pas où l'on va trouver de l’aide.

Relation toxique, indice #​3 : L​a ​dépendance

La dépendance, elle, se manifeste de différentes manières. Ca peut être une dépendance purement affective, c’est-à-dire qu’on a l’impression que sans cette autre personne on n’est rien, que l’on a besoin de savoir comment elle va réagir pour se positionner, donc que l'on n’arrive plus à prendre ​de décisions sans imaginer ce que l’autre va faire. Elle peut être aussi très pratique, ​ou physique (on habite dans la même maison) ​ou encore financière (on est mariés et on ne travaille plus depuis longtemps et on n’a pas d'économies). Bref, ​que ce soit vraiment physique, matériel, intellectuel ​ou émotionnel, on est pieds et poings liés.

Relation toxique, indice #​​4 : L​a ​​peur

La peur : A partir du moment où on a peur dans une relation, c’est quand même là vraiment un signe très alarmant qu​e quelque chose ne va pas. Parce que même quand on est ​en situation de conflit dans un couple ou dans une relation de travail, ou même dans une relation amicale, le fait d’avoir peur (peur d’être soi, peur de rester dans la relation ou peur de la quitter), c’est vraiment un signe qu’il y a un dysfonctionnement très important et puis…

Maria : Excuse-moi, je t’interromps, excuse-moi. Quand tu parles de peur en fait, ​ je trouve c’est très intéressant, que ​tu n'évoques pas nécessairement une peur de conséquences physiques, voire ​ matérielles, mais que tu parles de peur d’être soi​. Ca veut dire ​que ​l'on s'interdit d’être toi-même dans cette relation, ​que… comment dire, ​on met en veilleuse des aspects de ​notre personnalité, ​on les éteint.

Virginie Loÿ : Oui. C’est-à-dire qu’on a peur de ne plus jamais être aimé, on a peur que « si je fais ça, il va y avoir une crise et notre week-end va être gâché », « si je dis mon vrai avis, il va être dénigré », « si je mets cette robe, je vais me faire insulter ». Donc on a peur de ne pas être capable d’assumer les conséquences qui vont être peut-être, effectivement, être une remarque désagréable.

Maria : En fait si je reformule ​... on a même peur de ne pas être aimé par cette personne en particulier ?

Virginie Löy : Oui, c’est d’ailleurs ce qui se passe toujours dans les schémas de relations abusives : ​pour être aimé par cette personne - qui peut-être a un comportement au départ irrespectueux ou abusif - on va commencer à faire des petits changements. Et une partie de ces petits changements, finalement, sera de réduire ​notre monde à cette personne et à la validation de cette personne. Alors que quand on est dans une relation équilibrée et saine, en général ​il y a plein de choses dans notre vie qui nous apportent du bonheur. Donc ce n’est pas uniquement cette relation : c’est notre travail, les sorties, les copines, le sport, les choses que l’on fait pour se faire du bien etc.  Et donc on reçoit de la satisfaction, de la dopamine et du plaisir de beaucoup de sources différentes.

​Mais à l’intérieur d’une relation abusive, ce qu’on fait, c’est que pour plaire à cette personne qu’on a mise d’une certaine manière sur un piédestal, on commence à enlever un petit peu bah la famille, les copines qui ne plaisent pas, à ne plus aller au sport, à faire ceci et cela. Du coup on réduit notre source de plaisir à une seule personne. Donc elle devient vraiment très importante et du coup, on créer vraiment cette dépendance et ça crée toutes les conséquences de la peur de la quitter. Parce que du coup on quitte la seule chose qui nous fait du mal, mais aussi qui nous fait du bien.

​Maria : OK. Alors t’as dit donc le doute, la dépendance, la peur, l'isolement et…

Relation toxique, indice #​​​5 : L​a dépression

Virginie Loÿ : Le dernier c’est la dépression. Et la dépression, ça peut être un facteur dont on s’aperçoit soi-même, mais c’est souvent un facteur que d’autres personnes remarquent, en fait.

​Donc ça peut être le médecin traitant qui creuse un peu : « mais pourquoi vous êtes dans cet état ? », et il commence à poser les bonnes questions, qui vont éveiller sur le fait que "bah non en fait ce n’est pas des problèmes que vous avez au travail, mais c’est plutôt à la maison que ça se passe mal". Ou les personnes, des proches qui disent : « ça va plus du tout là, il faut qu’on te ramène chez le médecin, tu manges plus, tu fais plus rien », etc. La dépression, il faut qu’elle soit traitée pour qu’on puisse recréer un espace sain dans sa tête pour créer sa vie.

Résilience suite à une relation toxique : ​que penser du no contact ?

Maria : Parlons justement de reconstruire les choses sur une base saine. Dans les relations toxiques, mais plus précisément avec un pervers narcissique, on lit beaucoup sur Internet que la condition sine qua non c’est le no contact : ne plus se parler, faire un break total.

Et toi, eh bien sur ton blog et dans ton livre, tu as une opinion plus nuancée sur le sujet. J'aurais bien voulu que tu nous en dises un petit peu plus à ce propos.

Virginie Loÿ : Oui. Alors le no contact, la définition en fait, c’est vraiment de couper les ponts de la manière la plus radicale possible. Et le problème de ce no contact, ​c'est que dans certains cas, il est illégal. Par exemple, ​si quelqu’un a la charge et la responsabilité partagée d’enfant en commun, on ne peut pas ne ​plus être en contact avec le père ou la mère de ses enfants. Donc là, il y a des informations qui sont importantes à communiquer et qu’on n’a pas le droit de ne pas… enfin qu’on a le devoir de communiquer. Donc déjà, ça veut dire que la plupart des personnes qui ont été dans cette situation et qui ont des enfants en commun ne peuvent pas, dans la pratique, le mettre en action sans être dans l’illégalité. Donc ça n’en fait pas quand même une solution miracle.

Et puis la deuxième chose en fait, c’est que c’est ​un concept super difficile à appliquer. Quand on est dans une relation toxique on va avoir tendance à avoir réduit son cercle vital à cette personne - alors plus ou moins selon le degré dans lequel on est arrivé dans cette dépendance - mais d’une certaine manière, la personne qu’on considère comme toxique pour notre vie est devenue notre dealer de dopamine. C’est-à-dire que malgré tout le mal qu’elle nous fait, c’est aussi elle qui nous apporte un soulagement, de la même manière qu’un dealer nous apporterait un joint ou notre dose de cocaïne. Et donc quand on enlève cette personne d’un seul coup, ce qui se passe au niveau de notre cerveau, c’est une crise de manque qu’on essaie de gérer par la force. Et ça, bah on sait ce qui se passe pour les gens qui essaient d’arrêter la cigarette d’un seul coup, qui essaient d’arrêter la drogue... Arrêter, ce n’est pas aussi simple que juste dire : « d’un seul coup j’arrête ». Et on peut faire un parallèle aussi avec les régimes : quand on veut perdre du poids et qu’on dit : « j’arrête tout, toutes les bonnes choses que j’aime dans la vie », on va tenir un premier temps, on va commencer peut-être à voir des résultats, des petits résultats qui vont nous motiver, mais d’une certaine manière on essaie d’être dans la résistance et on essaie de faire passer de force quelque chose que tout notre corps refuse.

Maria : Oui, ​d’après ce que je comprends, c’est carrément physique, c’est-à-dire que si on n’a pas d’autres sources de dopamine comme tu dis en dehors de cette personne, eh bien si l'on se prive tout à coup de cette source, les conséquences vont être physiques.

Virginie Loÿ : Oui oui, c’est ça. Et c’est vraiment prouvé au niveau neuroscientifique. Il y a une psychologue qui fait énormément de recherches sur ce domaine, Lisa Barrett Feldman, qui dit même qu’on devrait considérer une rupture au même titre qu’une blessure physique. Parce qu’on voit vraiment les changements au niveau hormonaux et neuronaux. Donc c’est vraiment aussi puissant, cette création du manque, que si on faisait un retrait d’héroïne à quelqu’un qui en est devenu addict. Et le chemin c’est ​d’avoir une méthodologie pour gérer toutes les émotions et ​ressentis physiques liés à ce manque, et apprendre à être dans l’acceptation et l’accueil de ses émotions. Pour petit à petit comprendre que ce manque est également lié à ​nos pensées et que ​nous ​pouvons apprendre à gérer chaque crise de manque en apprenant à ne pas l​a récompenser. C’est-à-dire, lorsque je ressens le manque, ​je ne prend ​pas mon téléphone pour envoyer un message, ​je ne contactant pas, ​je ​reste présent à moi-même dans la bienveillance pour ​que progressivement, mon cerveau comprenne que je suis capable de gérer cette crise émotionnelle et physique, et que petit à petit il recrée de nouveaux schémas qui font que je peux tout à fait vivre ça.

Maria : Donc si j’ai bien compris, pour résumer, tu appelles cette approche « le slow contact », e​t l’idée c’est​ de ne pas cesser complètement de répondre à la personne - surtout si on a des obligations juridiques par rapport à des enfants -, ​mais à la place, de se contrôler sur la manière dont on lui répond, de ne plus le faire de manière impulsive.

Virginie Loÿ : Oui. Alors c’est… le slow contact, ce n’est pas moi qui ai inventé l’expression. Et honnêtement je ne sais pas qui l’a inventé, mais je l’ai reprise parce que je trouve qu’elle est très pertinente.

Donc en fait, ce qu’on va chercher à faire, c’est faire passer notre décision ​à notre cerveau plus élaboré : donc au lieu d’être en mode de réaction (ce que notre cerveau primitif nous incite à faire, comme par exemple : envoyer un email, regarder Facebook), il faut entrer dans la planification. C'est-à-dire devenir proactif et responsable, planifier quels sont les moments et les termes selon lesquels ​on ​va mettre ce contact en application et apprendre à s’y tenir.

Autrement dit, il ne faut ​pas tout couper, mais ​le faire progressivement, avec un plan, en se disant ​par exemple : « OK, une fois par jour je m’autorise d’aller regarder facebook pendant cinq minutes et je m’y tiens ». Puis ​progressivement apprendre à son cerveau à gérer cette baisse - alors peut-être que ce n’est pas du tout une fois par jour, peut-être qu’au début, si on avait l’habitude de le faire 40 fois par jour, on va dire que 30 fois c’est déjà mieux, c’est à chacun d’évaluer ce qu'il je ​est capable de gérer -, mais petit à petit, ​ toujours le faire selon le plan qui a été créé par soi. Ainsi, ​j'apprends à ​mon cerveau que c’est ​soi qui décide : c’est la partie supérieure de moi qui décide et non pas ma partie primitive,​ qui réagit au quart de tour.

Maria : OK, ​merci c’est très clair.

Résilience suite à une relation toxique : ​Comment se pardonner ses mauvais choix ?

Maria : Concernant les personnes qui ont réussi à franchir ce pas - ​c'est- à dire qui sont ​ séparés physiquement ​de leur partenaire - j’ai eu beaucoup de questions de la part de lecteurs​ et lectrices qui me disaient qu’ils n’étaient ​malgré ​tout pas complètement séparés psychologiquement, parce qu’ils ne parvenaient pas à se pardonner le temps qu’ils avaient investi dans cette relation, parfois l’argent, l’énergie ou encore le fait qu’ils aient mis de côté des amis et des relations saines auxquels ils ou elles tenaient. Et ​cette culpabilité les empêchent d’aller de l’avant. ​Du coup je voulais savoir si t’avais des conseils à donner à ces gens-là ?

Virginie Loÿ : Mais en fait, c’est vraiment le cœur de mon métier. C’est vraiment la raison pour laquelle j’ai choisi de me concentrer sur la reconstruction post-rupture. Parce que quand j’ai commencé, en 2013, à travailler sur une ligne d’écoute pour apporter du soutien aux femmes qui étaient victimes de violences conjugales, j’ai été formée pour faire ce travail. ​Mais une chose qui m’est apparue et sur laquelle je n’avais pas été formée, c’est qu’en fait, pratiquement la moitié des appels qu’on recevait ne provenait pas de personnes qui étaient en situation de crise : c’étaient des personnes qui étaient déjà sorties de la relation, parfois depuis quelques mois, parfois depuis des années, même parfois depuis des décennies, mais qui n’arrivaient toujours pas à avancer dans leur vie. Et c’est ça qui a fait que je me suis intéressée plus particulièrement à la reconstruction et que je me suis aperçue que très peu de personnes parlent de cette difficulté qu’on a après la séparation.

Ce qui se passe, c’est que quand on est dans cette période de crise avec quelqu’un, notre cerveau - ​notre cerveau primitif - va vouloir qu’on se concentre sur notre sécurité physique et matérielle, c’est-à-dire ​ s’éloigner du danger, se mettre en sécurité, trouver de quoi manger et un toit pour s’abriter.

Et souvent, une fois qu’on a fait ça, on croit que c’est fini. Mais en fait, pendant toute cette période - ​durant laquelle on ​s'est ​concentré sur nos besoins primaires - notre cerveau a mis en attente nos besoins psychologiques. Et une fois qu’on a recréé notre sécurité matérielle et physique, petit à petit notre vrai cerveau va s’ouvrir en disant : « toc toc toc, oui, mais il y a toutes ces questions que tu n’as pas résolu ». Donc elles vont revenir au fil du temps.

​Et c’est très important de faire ce travail. Certaines personnes le font par elles-mêmes, ​ou par la voie thérapeutique. Mais ce n’est pas forcément non plus la voie qui aide à créer la personne qu’on veut être pour le futur parce qu’on va avoir tendance à regarder ce qui s’est passé et pas forcément ce qu’on veut créer.

Donc quand on regarde ce qui s’est passé et pourquoi ça s’est passé, on va avoir tendance à renforcer les schémas neuronaux ​qui justifient pourquoi on est victime, pourquoi on a fait les mauvais choix , ce qui renforce le schéma dont on voudrait justement sortir.

C’est pour ça que j’ai ​ choisi cette voie de coach et que je donne les outils pour regarder : « OK, t’as vécu ça et qu’est-ce que tu pourrais faire aujourd’hui pour être la personne qui s’est pardonnée, pour être la personne qui peut regarder cette expérience en disant : c’est juste une page de ma vie et ça ne me définit pas » ? ».

Maria : Donc si je résume ton point de vue par rapport à cette question, tu dis que pour se pardonner ses mauvais choix, il faut trouver les moyens, que ce soit seul ou avec l’aide d’un coach, ​pour ​comprendre comment utiliser cette expérience ​afin de grandir et se développer dans sa vie ?

Virginie Loÿ : Oui. ​Pour reprendre l'analyse de ce qui se passe selon le modèle Brooke Castillo, ​ ​durant le temps ​où une personne se dit ​ « j’ai gâché ma vie, j’aurais pas dû passer tant de temps » :  

  • ​Les circonstances sont : la relation avec la personne X,
  • ​Les pensées ​concernant ces circonstances : "j’ai gâché ma vie, j’ai perdu trop de temps",
  • ​Ces pensées ​vont générer ​des émotions d’impuissance, de regret, de remord, de ressentiment, de colère,
  • Lorsque je suis ​dans ce type d'émotions, je vais avoir du mal à passer à l’action :  je vais ruminer, mal dormir, ​avoir peur d’aller voir de nouvelles personnes etc.
  • ​Et donc ce que je créer, c’est plus de regrets pour l’avenir parce que je ne créer de positif dans ma vie : je ne crée rien, donc je continue en fait de gâcher ma vie, ce qui fait que plus tard, je ne me pardonnerai pas de ne pas avoir avancé etc.

Donc ​ainsi, vraiment je nourris ce​ cercle vicieux. Et ​​donc quand on en prend conscience et qu’on voit ce que l’on voudrait créer aujourd’hui, dans cette vie, pour lui donner du sens - ou quelles ​émotions on aimerait vivre ou quel regard on pourrait vouloir porter sur cette expérience -, on va commencer à dénouer le problème.

Et mon approche, c’est de chercher à dénouer ce problème non pas par les grands thèmes « c’est parce que je suis dépendant affectif », mais vraiment par des actions concrètes de la vie quotidienne.

Résilience suite à une relation toxique : ​Comment sortir ​du statut de victime ?

Maria : Oui. Et tout à l’heure, tu as parlé de statut ou de position de victime -  je crois que tu as utilisé le terme « position de victime » - qui justement, contribue à ce cercle vicieux. ​Et on l’évoquait tout à l’heure, juste avant l’interview en fait : on disait qu’on est dans une société où la victimisation prend beaucoup de place. Et en lisant ton livre, j’ai trouvé que t’avais une approche très intéressante par rapport à ça, et je voudrais que tu nous en parles un petit peu plus.

Virginie Loÿ : Alors le statut de victime c’est un terme juridique, la victimologie c’est un terme médical. Pour pouvoir commencer à aller mieux, il faut qu’on accepte qu’on a été victime. On a été victime, ça veut dire : quelqu’un m’a fait quelque chose ou quelque chose m’est arrivé comme un attentat, un accident. J’ai été victime, mais au même titre que j’ai été malade ne fait pas de ​moi un malade pour la vie. Donc il faut comprendre que reconnaître qu’on a été victime de quelque chose, c’est juste un état temporaire.

Quand on essaie d’institutionnaliser ou de chercher cette validation extérieure comme un statut, on crée en fait des émotions qui ne vont peut-être pas engendrer les actions qu’on veut.

Donc si on continue de penser « je suis victime de telle personne », ou « je suis victime de la décision du tribunal », on donne le pouvoir à ces personnes-là et on ne prend pas nos responsabilités dans notre propre vie. Donc on continue d’être victime de ces personnes, de ces institutions, de son passé.

Pour sortir de l’état de victime, il faut en premier accepter que oui, ça a été un fait, mais qu’on ne veut pas en faire notre deuxième peau ,en fait. Donc on a vraiment besoin de reconnaître que "OK, il y a un moment de ma vie où j'ai porté ce manteau, mais maintenant je ne veux plus que ce soit ça qui me définisse".

Maria : Oui. En fait, j’ai remarqué qu’il y a une ​question qui se ​revient ​souvent chez les lecteurs et les lectrices de mon blog  - pour le cas particulier des relations toxiques qui concerne les pervers narcissiques - et qui est : « est-ce que si j’ai ​été victime ​​ d’un ou une perverse narcissique, ça veut dire que j’en suis un ou une moi-même ? ».

Et je pense qu’il y a une confusion entre la culpabilité ​que devrait ressentir l'auteur d'abus ​et la responsabilité que la victime doit prendre pour sa vie.

Virginie Loÿ : Je trouve que c’est exactement les deux mots qui entraînent beaucoup de confusion, ​alors que justement responsabilité et culpabilité, c’est deux choses différentes.

Une chose qu’on rappelle toujours quand on est sur ligne d’écoute, c’est que ​pour ce qui est de la violence infligée, la seule personne qui en est coupable​,​​​ c’est l’auteur des faits, donc l’auteur des paroles, des gestes, ​et des comportements violents. Cette personne ​est à la fois responsable et coupable de ses actes à elle. La victime n’est jamais ni responsable ni coupable des gestes des autres.

Souvent, les personnes qui ont été victimes de relations toxiques ou abusives se sentent coupables : coupables d’être restées, coupables de ne pas avoir vu les signes, et c’est une forme de déresponsabilisation bien sûr parce se faisant, on donne le pouvoir entier à l’autre.

Or, la chose que je trouve la plus fascinante, ​car cela peut vraiment nous aider à avancer, c’est de comprendre que la responsabilité est en fait l’antidote à la culpabilité : Quand on prend la responsabilité de ses propres actions - pas des actions de l’autre, pas des gestes, des dénigrements, des coups portés, ​ou de tous les comportements nocifs qui ont été faits par l’autre - ​mais quand on prend notre responsabilité, on peut s’apercevoir les endroits où l'on aurait pu faire autrement. Et on n’a pas besoin de culpabiliser puisqu’à l'époque des faits, on ne savait pas ce que l’on sait maintenant.

​Donc voilà, on a fait avec les informations ​et les compétences dont on disposait à l'époque, mais on peut voir qu’à l’avenir, on agira différemment. On pourra se dire : ​"c’est là que j’ai le pouvoir, le pouvoir de dire non, le pouvoir de poser les limites, le pouvoir de ne pas aller là où j’ai un mauvais feeling". Et c’est là qu’on reprend vraiment le pouvoir et qu’on peut se pardonner.

Maria : Merci beaucoup pour cet éclairage parce que ça, je pense que c’est fondamental que ce soit bien compris : j’ai l’impression que c’est un des problèmes les plus récurrents, donc un grand merci pour ton explication.

​Sortir d'une relation ​abusive : ​​Une approche pragmatique pour reprendre sa vie en mains

Maria : Et peut-être maintenant, pour conclure ​ l’entretien, je voudrais que tu me dises quelques mots sur ton livre : qu’est-ce que tu as souhaité transmettre aux lecteurs par le biais de ce travail ?

Virginie Loÿ : Le message principal que j’ai envie de transmettre, c’est que la croissance post-traumatique existe. Et le savoir, c’est le message le plus puissant que l’on peut recevoir : c’est-à-dire savoir que notre vie peut être plus belle, plus sereine, plus épanouie après cette expérience qu’elle ne l’était avant ! C’est possible et c’est même le cas le plus fréquent !!

​Alors malheureusement, ce n’est pas ce qui est le plus communiqué sur Internet, ou d’une manière générale par les médias, uniquement parce que notre cerveau est très friand des informations négatives. ​Par exemple, on a tendance à avoir beaucoup plus d’articles sur le stress post-traumatique ou les victimes parce que ​ c’est sensationnel : notre cerveau aime bien savoir, être au courant de tous les dangers auxquels il pourrait peut-être être confronté.

Mais du coup, ça fait tomber en retrait une information, à mon avis, primordiale : c’est que l’expérience traumatique et le stress post-traumatique ne sont que des phases dans une évolution beaucoup plus grande de notre vie en tant qu’être humain. Et ​ les études prouvent déjà depuis 30 ans que plus des deux tiers des personnes qui ont été victimes d’un trauma - et d’ailleurs pas uniquement de relations abusives, mais les relations abusives en font partie - vont avoir une vie beaucoup plus riche par la suite qu’elles n’avaient avant.

Savoir cela, c’est le premier élément déclencheur de cette croissance. Donc j’ai envie de le dire à tout le monde ! (Rires.)

Maria : Oui, et puis je pense que c​ela donnera beaucoup d’espoir aux gens qui ne parviennent pas à se pardonner en se disant : « voilà, c’est foutu, j’ai gâché ma vie » ! Bah non non ! Elle n’est pas gâchée, il y a tout le futur de…

Virginie Loÿ : Non ! Non non ! Elle n’est pas gâchée ! Et c’est pour ça que dans le livre aussi, j’ai une approche très pragmatique.

Parce que ce que j’avais constaté, c’est qu’il y a des livres qui parlent des relations abusives - et particulièrement qui parlent de certains phénomènes, ​comme la dépendance affective ou la perversion narcissique etc. - mais le problème c’est que 90 % du livre parle du phénomène et seulement 10 % - le dernier chapitre - donne des solutions. Des solutions qui ne sont quelques fois pas très précises et qui ne permettent pas de prendre soi-même des actions concrètes dans sa vie.

Par exemple,ces livres ne répondent à des questions telles que :

  • Que faire lorsque je me demande ​si je vis ​une relation​ toxique​ ?,
  • ​Comment mettre en place le no contact ?
  • ​Comment ​me positionner par rapport à une action en justice ? 
  • ​Comment​ faire pour évoluer dans ma vie de manière à ne pas créer de nouveau ces schémas toxiques, mais ​ installer des changements durables ? etc.

Et donc le livre peut être lu aussi bien d’une manière chronologique, qu’en allant directement chercher des informations par rapport à la phase ​d'àvolution dans laquelle on se trouve.

​J’ai vraiment voulu ​en faire ​ un outil pratique pour pouvoir commencer à créer des changements qui petit à petit, cumulés, vont réellement transformer la vie.

Maria : Et alors, où est-ce qu’on peut se le procurer ce livre ?

Virginie Loÿ : Partout ! (Rires.) Alors, si on a envie de soutenir les entrepreneurs locaux, ​ ​chez un libraire ​proche de chez ​soi. Et si on n’a pas de libraire dans son environnement proche et bah, on le trouvera en ligne chez tous les sites qu’on a l’habitude d’utiliser.

Maria : Et si certaines personnes ​sont intéressées par un coaching avec toi ou intéressées à en savoir plus sur ce que tu fais, comment peuvent-elles entrer en contact avec toi ?

Virginie Loÿ : Mon site s’appelle « une-chose-par-jour.com ». Je travaille maintenant en coaching avec un très petit nombre de personnes - faute de temps - sur des processus de coachings individualisés ​à moyen terme, c’est-à-dire à partir de six mois de coaching.

​Par contre, je propose aussi des accompagnements entièrement en ligne, ​à un tarif ​très abordable, ce qui permet ​ de faire partie d’une communauté et d’apprendre à mettre en pratique les outils que je propose aussi dans le livre ainsi qu'à ​se réunir pour des coachings ​communs, ce qui permet une interaction avec moi de manière régulière et suivie au fil du temps.

Maria : Très bien. Et ​bah écoute Virginie, je te remercie infiniment pour le temps que tu m’as accordé aujourd’hui, je te dis à bientôt !

Virginie Loÿ : À bientôt, au revoir !

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Une réflexion sur “Résilience suite à une relation toxique : Mon interview avec Virginie Loÿ (Podcast #2)”

  1. Je n’arrive pas à sortir de mon état dépressif. Je souffre Physiquement et cela freine ma »guérison ».j’ Ai toujours peur de mon ex.

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