La femme PN : Mon interview avec Ray Gasseville (Podcast #1)

​La femme ​PN : voilà quelqu'un dont on parle rarement, et pourtant ...

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La femme ​PN: Un témoignage rare

​La femme PN

Ray Gasseville est auteur d'un roman autobiographie Ce n'est pas la fin : Autobiographie d'un zèbre, dans lequel il raconte notamment son expérience d'une dizaine d'années sous l'emprise d'une femme perverse narcissique.

Aujourd'hui, il a accepté de répondre à mes questions sur le sujet sous forme de podcast. 

Je tiens encore à le remercier pour sa participation à ce podcast, tant il est rare de trouver des témoignages sur les femmes PN, ce sujet était particulièrement tabou dans la communauté  masculine. 

En effet, si, psychologiquement, il est acceptable pour une femme d'admettre qu'elle s'est faite instrumentalisée par un homme, cela l'est beaucoup moins en sens inverse.

Or, cela arrive plus qu'on ne le pense, et de tels témoignages sont fondamentaux pour comprendre comment se tisse l'emprise toxique dans une relation, et quelles en sont les formes spécifiques lorsque c'est une femme qui tire les ficelles. 

Du coup, vous l'avez compris, si vous désirez en savoir plus sur la perversion narcissique au féminin, ce podcast est pour vous !

​Vous pouvez retrouver Ray Gasseville sur sa page Facebook et son compteTwitter, et découvrir gratuitement son histoire par le biais ​du texte Les traumatismes en poupées russes, commenté par la psychothérapeute Anne Clothilde Ziegler.

​J'espère que ce podcast vous plaira. Comme il s'agit de mon premier interview, n'hésitez pas à me faire part de vos remarques et suggestions dans les commentaires !

Bonne écoute !

PS : retrouvez la retranscription intégrale du podcast sous cette vidéo.

​Maria : Donc Ray, vous habitez en région parisienne, vous avez 42 ans, vous êtes informaticien de profession et j’ai souhaité faire cet interview aujourd’hui avec vous car vous êtes également l’auteur d’un livre intitulé ce n’est pas la fin Autobiographie d’un zèbre qui raconte votre parcours de vie marqué dans un premier temps par des violences sexuelles que vous avez subies enfant puis par votre relation d’une dizaine d’années sous l’emprise d’une femme PN.

Vous avez également raconté votre histoire dans un cours texte intitulé Les traumatismes en poupées russes, commenté par Anne Clothilde Ziegler, psychothérapeute et auteure du livre pervers narcissiques bas les masques.

Ray Gasseville : c’est ça, en fait Anne trouvait intéressant mon histoire parce qu’il y a eu une sorte de répétition de ce que j’avais vécu enfant et ce que j’ai vécu adulte c’est inter-mêlé avec ce que j’avais vécu enfant, ce qui fait que j’étais dans une position où il était très difficile pour moi de parler de l’un ou de l’autre.
Et on aura l’occasion d’en reparler, mais effectivement le PN utilise énormément les failles donc quand il s’agit de traumas, là il plonge à pieds joins dedans.

Maria : oui et je trouve que c’est d’ailleurs très bien fait, mais on reparlera de ce texte un petit peu plus tard.
Dans le podcast d’aujourd’hui je voulais principalement aborder les violences psychiques dont votre relation avec la femme que dans le livre vous appelez Emma, si tout ça est ok pour vous ?

Ray Gasseville : oui oui.

La femme ​PN : Circonstances de la rencontre

Maria :  Alors la première question que je voulais vous poser, c’est dans quelles circonstances vous avez rencontré Emma ?

Ray Gasseville : Alors on s’est rencontrés assez jeunes, on avait une vingtaine d’années tous les deux, on était étudiants. On s’est croisés dans des groupes d’amis, où je la trouvais particulièrement silencieuse, réservée. Et puis j’ai vécu une rupture à ce moment-là et on a commencé à se rapprocher.

Maria : D’accord. Et  en début de cette relation, pendant les tous premiers moments où vous l’avez rencontrée, comment avez-vous perçue Emma ?

Ray Gasseville : Elle était assez réservée. En groupe elle restait un peu dans son coin. Mais il y avait vraiment une autre personne lorsqu’elle se mettait à l’écrit. Le premier mail que j’ai reçu d’elle je n’arrivais pas à la re-situer parce que je me disais Ce n’est pas possible, ce n’est pas cette personne qui est très timide et qui était beaucoup plus expansive par mail.

Et petit à petit chez, j'ai vu que c'était quelqu'un à qui il arrivait beaucoup de choses. Elle parlait beaucoup d’hommes qui qui la poursuivaient, en quelque sorte qui lui faisaient du charme. Elle avait des problèmes avec un garçon : elle avait entendu à travers une porte fermée qu’il disait des choses sur elle.
Sur le moment je me suis dit : il lui arrive quand même beaucoup de choses, la pauvre.

Maria : Ok. Ca c'était au niveau de son comportement, et d'après ce que je comprends de l’histoire qu'elle vous racontait à propos d'elle.
Mais sinon, à son contact, est-ce que vous vous sentiez détendu ? Est-ce que vous vous sentiez plutôt stressé ? Est-ce qu'il y avait comme ça, émotionnellement, quelque chose de particulier ?

Ray Gasseville : Alors moi déjà je ne suis jamais très à l'aise avec les personnes physiquement. Avec les femmes c'est encore pire !
Mais par moments en effet, on ne savait pas bien qui elle était, ce qu'elle pensait. Moi je ne me suis pas posé de questions parce que je suis pareil : dès qu'on est plus de cinq je perds tous mes moyens. Mais dès que je suis dans une relation un à un, tout de suite je me lâche un peu plus.

Maria : Donc vous pouviez ressentir un petit malaise ou un stress mais vous attribuiez ça au fait que vous étiez timide ?

Ray Gasseville : Oui voilà.
Avant que l'on que l'on soit ensemble, c'était ça. C'était quelqu'un qui avait l'air de s'intéresser beaucoup à moi, ce que je ne comprenais pas (rires).
Et qui avait l'air d'essayer d'apprendre à me connaître. Même quand on était seul, elle me racontait toutes ces histoires d'hommes qui essayaient toujours de l'inviter, ceci cela, à tel point qu'à un moment je me suis demandé si elle s’intéressait vraiment à moi ,et pourquoi elle me racontait tout ça.

Maria : D'accord. Et quand vous dites que vous trouviez surprenant qu'elle s'intéresse à vous, pour que les gens qui n'ont pas lu votre livre comprennent, pouvez-vous revenir sur comment s'est passé votre adolescence au niveau justement des relations avec les autres, et peut-être plus particulièrement avec les filles ?

Ray Gasseville : Alors oui effectivement, ça a été très calme à ce niveau-là. Je crois que dans ma tête j'ai toujours eu très peur d'aller trop loin, et d'aller toujours contre la volonté des autres.
Du coup c'est vrai que si la partenaire ne fait pas le premier pas, moi je ne vais rien faire. Donc pendant des années il ne s'est rien passé.
Et j'ai rencontré pour la première fois quelqu'un quand j'avais 20 -21 ans, une relation qui n'a pas duré très longtemps.
Je n'ai pas honte de le dire, c'était la première fois que j'embrassais une fille une fille. et c'était juste avant de rencontrer Emma.

Maria : Donc Emma, c'était votre deuxième petite copine en fait.

Ray Gasseville : C'est ça. C’était ma deuxième petite copine et elle arrivait vraiment sur les talons de cette rupture qui m'avait fait énormément de mal, même si ça avait été très court.

​Maria : Excusez-moi je vous interromps. Combien de temps vous avez été avec cette première copine ?

R​ay Gasseville : Alors ça avait été par phases, et nous avons fait plusieurs breaks. Je crois qu'en gros on a dû passer une dizaine de jours ensemble.

​Maria : Ah oui c’était vraiment très très court.

Ray Gasseville : C'était très court et franchement elle a fait tout ce qu'elle a pu pour moi cette fille. Vraiment elle y a mis du cœur, mais je crois que pour moi c'était tellement nouveau que j'étais complètement déconnecté et qu'au bout d'un moment elle a préféré me revoir comme ami plutôt que comme copain.

​Maria : D'accord. Donc si je résume un petit peu les circonstances de votre rencontre avec Emma : durant votre adolescence vous étiez timide et très réservé, notamment avec les filles. Peut-être même, d'après ce que je comprends, un peu angoissé aussi ?

​Ray Gasseville : Ah ben complètement, oui.

​Maria : Puis vous avez eu cette première expérience qui était très courte. Donc finalement Emma arrivait presque comme première expérience : vous n'aviez pas eu l'opportunité de creuser les rapports amoureux.

R​ay Gasseville : Je n'avais jamais connu l'amour qui n'était pas à sens unique. J'étais très amoureux quand j'étais adolescent. ​Mais ça se terminait toujours contre un mur et je n’avais eu l'occasion ​ de m'ouvrir à quelqu'un qui s'ouvrait aussi à moi, de parler de sentiments, et tout ça quoi.

M​aria : Ok. Et au niveau de vos amis hommes, déjà peut être pouvez-vous nous dire comment ça se passait :  en aviez-vous beaucoup ? Est-ce que c’était un groupe d'amis ou plutôt un ami ? Et aussi je pense que ce qui serait intéressant c’est de savoir si vous parliez de vos relations avec les filles avec ce ou ces amis ?

Ray Gasseville : Alors c'était assez connu que j'étais un cas un peu particulier 🙂 J'avais à cette époque-là un très bon ami avec qui je suis resté en contact et qui était un peu dans le même cas que moi. On s'était appelé les incasables, donc on prenait ça avec humour.

​Maria : Pourtant vous étiez très jeunes, ce n'est pas non plus comme si vous aviez 40 ans ​:)

​Ray Gasseville : Oui c'est vrai. Mais quand on est dans le milieu étudiant - on était tous les deux en cité U - il y avait plein de monde et nous, nous restions un peu tout seuls. Alors on a commencé à faire de la musique ensemble pour s'occuper.

​Maria : Donc vous aviez quand même du soutien amical à cette époque-là. Est-ce que ces personnes, vous les voyiez régulièrement lorsque vous avez rencontré Emma, en tous cas au début ?

​Ray Gasseville : ​Oui il y avait ce garçon, que j'appelle Patrice dans le livre, avec lequel effectivement je passais beaucoup de temps. Et au début quand on a rencontré Emma, c'était dans les soirées que l'on organisait tous les deux. Et puis quand j'ai commencé à être avec Emma, là ça a commencé à poser problème.

​Maria : Est-ce que vous savez dire pourquoi ​ ?

RG : Alors c'est toujours un peu le problème des triangles amoureux. Apparemment ​Patrice était assez intéressé par elle, mais elle était intéressée par moi, et quand on s'est mis ensemble, forcément, au niveau de la dynamique, quelque chose n'allait plus. Et de suite elle a commencé à me dire Ecoute ça me met un peu mal à l'aise de le voir tout le temps parce que tu comprends, il voulait être avec moi alors il va être très jaloux etc.

M​aria : OK. Donc d'après ce que je comprends, rien que cette dynamique rendait difficile pour ​vous​ de parler d’Emma ​avec Patrice.

RG : De toute façon c'était très dur d'en parler à quelqu'un, parce qu'à partir du moment où on a été ensemble, on a été tout le temps ensemble. On a passé une seule nuit séparés, et le lendemain Emma m'a dit Je ne veux plus qu'on se sépare ! Donc on dormait tous les soirs ensemble, soit chez elle soit chez moi. On n'était jamais séparés. Et puis c'était quelqu'un qui me montrait beaucoup d'attention, beaucoup d'amour, donc quelque part ce n’était pas désagréable et je me disais Bon ok bon bah ça va se passer comme ça.

​Maria : Et si vous aviez des questions par rapport à cette relation, à qui pouviez-vous en parler ? Je vous demande cela parce qu'entre filles, c'est le réflexe que l'on a, ​de raconter à nos copines comment se passe notre relation, et de constituer ainsi une sorte de groupe de débriefing. Est-ce que vous aviez une sorte d'équivalent à ça ?

RG : Ah je n'ai jamais eu ça ! Peut-être que la personne à qui j'en parlais le plus c’était ma mère, et on ne ne dit pas trop ces choses à ses parents.

​Maria : Ca c'est sûr !

RG : Donc au début je lui disais juste Bon il y a une fille qui s'intéresse à moi etc. Mais ça s'arrêtait là.

La femme PN : Les signaux d'alerte

​Maria : Donc d'après ce que je comprends, c’était tout à coup assez fusionnel entre vous. C’était une relation nouvelle pour vous et puis vous n'aviez pas tellement de personnes avec qui ​en débriefer. 

Est-ce qu'au niveau émotionnel vous avez ressenti quelque chose comme un signal d'alarme ? Parce que j'ai lu, concernant les relations avec les personnes toxiques, que parfois certains ressentent comme des signaux d'alarme qui leur indiquent qu'il ne faudrait pas persister. Est-ce que de votre côté, vous avez expérimenté ça ?

Signal d'alarme #1 : ​Votre relation est intense

R​ay Gasseville : Alors oui. En fait, l'adjectif que j'utilisais à l'époque - et que j'ai utilisé pendant très longtemps - ​c'était "intense". Je disais : C'est quelqu'un d’intense, de vraiment intense. Elle est capable de passer de l'amour à la haine en un claquement de doigts. Elle a besoin de tout vivre très fort.

Ce qui me faisait un peu peur parce que voilà, je me retrouvais lancé dans quelque chose que j’avais l'impression de ne pas maîtriser. D’un côté, elle pouvait me témoigner beaucoup de signes d'amour et être très démonstrative, puis en une seconde, passer à la colère, de manière extrêmement forte.

Il s’agissait de petites humiliations au début, mais quand même des humiliations. Quelque part, il fallait que je m'en remette intégralement à elle. Et ça, c'est vrai que ça me faisait peur. En même temps, jamais personne ne s'était intéressé à moi, je n'avais aucune expérience et je ne savais pas si c'était normal.

​Maria : Donc vous vous disiez :  Oui c'est intense, mais peut être que finalement, c'est comme ça.

​Ray Gasseville : Voilà. Et puis il y a le facteur que l'on retrouve très souvent dans les violences psychologiques qui est de se dire Oui elle est cruelle et puis des fois elle m’humilie un peu, mais elle ​m'aime tellement.

Parce qu'à côté de ces humiliations, il y avait à côté toutes ces démonstrations affectives. Encore une fois, elle me laissait à la fac pour aller à la sienne et entre-temps elle achetait des cartes postales qu’elle remplissait et me rendait quand je sortais de cours.

Par exemple, cela faisait à peine quelques jours que l’on était ensemble, et elle avait acheté un petit cahier dans lequel elle collait des photos de nous deux et sur lequel elle avait marqué Emma et Ray Volume 1.

Il y a un personnage dont je parle dans le livre qui est Billy - un petit bonhomme dans ma tête qui commente mes faits et gestes – et là, avec Emma, Billy ne savait plus quoi faire, il était complètement déconnecté le pauvre.

Donc oui, c'était des signaux, mais je me disais : elle a l’air de tellement tenir à moi. Et puis moi, j'ai tellement peur de l'abandon, donc je laissais faire.

M​aria : Est-ce que vous pouvez nous donner un exemple concret, s'il y en a qui vous reviennent en mémoire, de ces retournements d'humeur en tout début de relation.

​Ray Gasseville : Je crois que la première fois, elle m'avait demandé de faire un choix. Elle m'avait dit : Est-ce que tu veux que ce soir on reste chez moi où tu veux qu'on aille chez toi ?

Et moi j'étais un peu crevé alors je lui ai dit : Ecoute, on est bien là, on a qu'à rester là. Et tout d'un coup, elle s’est complètement refermée, parce que ce n'était pas ce qu'elle voulait. Mais on aurait pu en discuter. Ou alors il n’aurait pas fallu me proposer un choix. Donc elle s’est renfermée et pendant toute la soirée elle m'a dit : Ah mais vraiment, qu'est-ce qu'on se fait chier ! Ca fait quelques jours qu'on est ensemble et on commence déjà à se faire chier ! Alors que tu vois, si on avait été chez toi, on aurait pu faire si, on aurait pu faire ça

Vraiment toute une histoire pour me culpabiliser de mon choix.

​Maria : Et vous vous êtes senti coupable quand elle a fait ça ? Qu'est ce qui s'est passé émotionnellement ?

RG : Alors moi j'ai une tendance naturelle à culpabiliser très vite et je suis très empathique. Donc je voyais qu'elle n'était pas bien, qu'elle ​était malheureuse - elle en est arrivait à pleurer - et effectivement je me disais : Plus jamais je ne veux la voir dans cet état-là ! Donc j'ai très vite pris le pli, dès qu’elle me demandait de faire un choix, de lui répondre :  Mais on fera tout ce que tu veux mon amour. Voilà je ne voulais plus me retrouver face à ça.

​Maria: Et justement, un épisode comme celui-ci, vous le gardiez pour vous ?

RG : Oui je le gardais pour moi. Je savais que dans certains couples, certains partenaires ont un tempérament un peu chaud. Moi j'ai une peur panique du conflit, donc mon but c'était d'éviter les conflits. Voilà, donc j'essayais toujours de faire le casque bleu, de gérer les conflits.

Il y a un jour aussi où elle m'a mis en caleçon à la porte de sa chambre : Je me suis retrouvé dans le couloir de son foyer en caleçon pendant 20 ou 30 minutes. C'est vrai que je n'avais personne à qui en parler, et je trouvais bizarre ce genre de situations. Mais je crois que j'étais tellement concentré sur le fait qu'il fallait que je répare ça que je n'avais pas envie d'en parler à quelqu'un.

​Maria : Et pourquoi - si j'ose vous demander – pourquoi avait-elle fait ça ?

RG : J'avais eu une panne. Et du coup elle l’a mal pris et m'a foutu à la porte.

​Maria : Elle s'est sentie humiliée ?

RG : Oui et du coup elle m'a mis à la porte, en caleçon, avec des gens qui passaient dans tous les sens jusqu'à ce qu'elle me fasse rentrer que je doive implorer son pardon.

​Maria : D'accord. Et ça c'était aussi dans les tout débuts ?

RG : Ah oui ça c'était dans les premières semaines.

​Maria : Dans les premières semaines !

RG : Les choses ont été très très vite.

​Maria : Ah oui ça a été très très vite effectivement. Et donc là, si je comprends votre état psychologique, vous êtes très accroché à elle, vous ne voulez pas que la relation se termine. ​Du coup, plutôt que de parler avec elle pour comprendre pourquoi elle s’est mise dans un état pareil, vous vous dites : OK il ne faut pas que cela se reproduise, il faut que je prenne sur moi pour faire en sorte qu'elle ne se remette pas dans cet état. C’est ça ?

RG : Tout à fait. C'est exactement ça. En fait, j'ai peur de l'abandon et c'est quelque chose qui est vraiment très fort. Le fait d'être, en plus, hyper empathique, fait que si quelqu'un ne me contacte pas pendant quelques jours alors que j'y suis habitué, je vais me dire qu'il est en colère contre moi. Et le fait qu'il soit en colère contre moi implique - pour schématiser au maximum - qu'il va m’abandonner et qu'il ne m'aime plus. Donc mon but, c'est de ne pas me faire abandonner.

​Maria : D'accord. A présent, je souhaite évoquer avec vous plusieurs critères qui ressortent fréquemment dans les relations toxiques, plus précisément avec un/ne pervers narcissique, afin que vous me donniez des exemples concrets pour me dire si oui ou non cela s'est manifesté avec Emma, et si oui comment.

RG : ​OK.

Signe d'alarme #2 : Votre relation va très (trop) ​vite

​Maria : Alors le premier point que j'avais en tête et que vous venez d'ailleurs d’évoquer c’est le fait que la personne impose un rythme extrêmement rapide à la relation : tout commence à aller très vite, dès le début.

​Ray Gasseville : Oui. Donc effectivement, il y a eu ce fait qu'on a passé une seule nuit séparés, et qu'après, on a vécu ensemble. J

e pense que dans le rythme extrêmement rapide, il faut également noter qu'elle m'a parlé de mariage à peu près une semaine après que l’on soit ensemble.

Elle n’a d’ailleurs pas fait que de me parler mariage : elle m’a donné la date du mariage ! Parce que pour elle c'était symbolique : il fallait que ça soit ce jour-là etc.

Bon, moi je ne vais pas revenir sur mon histoire familiale, mais le mariage, j'étais un peu fâché avec. Mais encore une fois je me suis dit que c’était la chose à faire pour la garder. Donc je crois que dans les six premiers mois de notre relation, on savait quand est-ce qu'on allait être mariés, combien on allait avoir d'enfants, et quels seraient leurs prénoms.

​Maria : C'est vraiment incroyable ! Donc vous dites que la première fois qu'elle a évoqué le mariage, c'était après une semaine ! Est-ce que vous pouvez nous dire concrètement comment ça c’est passé ? Comment elle a demandé ça ?

​Ray Gasseville : Alors elle m'avait beaucoup expliqué qu'elle ne coucherait qu'avec son mari. Donc que si je voulais aller plus loin avec elle, il fallait qu'on se marie etc. Voilà. Et puis d'un coup elle a commencé à imposer les dates.

Et encore une fois, Billy dans mon cerveau, ne comprenait plus rien ! Mais en même temps, pour quelqu'un comme moi qui suis de nature très angoissée, qui passe son temps à anticiper et à imaginer des problèmes, rencontrer quelqu'un qui a l'air d'avoir une ligne de vie toute tracée, c'était rassurant d'une certaine manière. Je me suis quelque part reposé sur elle, parce que je me disais : c'est bon elle c'est ce qu'elle fait. Même si dans ma tête ça ne suivait pas.

​Maria :  ​Donc après une semaine de relation, elle a commençé à parler mariage, mais ​à ​quand avait-elle fixé l​la date ?

RG :  Pour 3 ans après.

​Maria : Ah elle avait ​vu loin ​:)

RG : Voilà.

​Maria : Donc ça vous donnait déjà l'assurance, avec ce mariage dans 3 ans, que vous étiez ensemble pour la vie.

RG : Oui tout à fait.

Signe d'alarme #​3 : ​La femme PN vous isole, ou créer le malaise, ​avec vos proches

​Maria : ​Un ​autre critère que je souhaitais évoquer avec vous est lié à cette relation extrêmement rapide : Il s’agit du fait que les personnalités narcissiques sont connues pour s'imposer dans la vie de quelqu'un puis de faire un ménage relationnel, pour n’être plus que l’unique point de référence de leur partenaire.

Ca a été le cas pour avec Emma ?

​Ray Gasseville : Alors ça a été le cas, même s’il n'y avait pas beaucoup de ménage à faire parce que je n'étais pas très entouré. Malgré tout donc, il y a eu Patrice qui a très vite disparu du paysage. En fait ils se sont engueulés et il a dit à Emma que je n’étais plus le même, que j’étais malheureux. Et quelque part elle m'a un peu forcé à prendre sa défense, en disant que je n'étais pas un otage et que j'étais très bien avec elle.

J’avais aussi une amie féminine dont j’étais très proche. Avec elle, Emma a joué la carte de la jalousie, ce que je pouvais comprendre. Le problème c'est qu'elle a été vraiment très loin. Elle a voulu que l’on coupe complètement les ponts. Pour terminer c'est elle qui a écrit une lettre, de ma part, à cette fille.

​Maria : Oui ça vous le racontez très bien dans le livre. La question que j'ai envie de vous poser ​à ce propos : Est-ce elle qui, à moment donné, a dit : Je vais lui répondre pour ne plus qu'elle t’écrive et elle l’a insultée dans sa réponse ?

​Ray Gasseville : Je ne sais pas ce qu'elle lui a écrit.

​Maria : D’accord 🙂 Mais en tout cas, elle vous a dit qu’elle allait écrire la réponse elle-même. Et vous quand elle vous a dit ça, qu'est ce qui s'est passé dans votre tête ?

RG : Je crois que je me suis reposé sur elle. Encore une fois, je voyais qu'il y avait ce problème, mais pour moi la décision était impossible à prendre. Et comme je ne sais pas gérer les conflits, quelque part ça m'arrangeait peut-être qu'elle lui écrive. Je sentais que ce n'était pas juste pour mon amie, mais bon, pour moi de toute façon c'était le chantage permanent : c'était toujours : soit tu fais ça, soit je te quitte !

​Maria :  Ah elle vous le disait dans ces termes-là ! Elle vous le disait expressément ?

RG : Ah oui oui. Ca a commencé dès le début. C'était : soit tu fais ça, soit je te quitte. Et puis dès le début elle me réveillait au milieu de la nuit pour me dire : Si la maison est en flammes et que je suis dans une pièce, ta mère dans une autre, et que tu ne peux sauver qu'une personne, laquelle tu sauves ?

​Maria : Et vous lui répondiez ? Elle arrêtait de poser sa question une fois que vous lui aviez répondu ?

RG : C’est ça. Sinon je n'avais je n'avais pas la paix.

​Maria : D'accord. Donc en fait si je comprends, quand elle a commencé à faire le ménage dans notre vie en évinçant Patrice et votre copine fille - qui était juste une amie finalement - elle a joué la carte de : Ou tu me laisses faire pour l'écarter, ou je m'en vais ! c'est ça ?

RG : C'est exactement ça. Notre relation s'est résumée pendant les six ans et demi où l’on a été ensemble à :  On fait ça ou je pars. C'était l'argument ultime et elle savait que j'avais tellement peur qu'elle me quitte que je faisais tout ce qu'elle me demandait.

​Maria : Donc elle l'a fait avec des amis à vous. Est-ce qu'elle l'a aussi fait avec votre famille ?

RG : Alors la famille, les rapports ont été assez compliqués. Bien sûr dans un premier temps c'était des rapports idylliques. Et puis petit à petit, nous avons commencé à avoir des problèmes. Et un soir, on était en vacances chez mes parents, et elle m'a fait une crise en disant qu’on ne remettrait plus jamais les pieds chez eux, que c'était fini. Donc du coup je me suis un peu énervé ce jour-là, et elle est partie en pleurant. Elle a été pleurer sous la fenêtre de ma mère au point que ma mère est venue me chercher pour que je la console en me disant « Mais mon fils enfin ! Toi tu fais pleurer les filles ! ». Et je me suis retrouvé dans la situation de devoir consoler Emma alors qu'elle essayait de me faire fermer tout rapport avec ma mère.

​Maria : Mais finalement elle n'a pas réussi. Vous avez continué à garder un contact avec votre maman ?

RG : Avec ma mère oui. Et elle avait un gros problème au tout début de la relation avec ma grand-mère, qui était quelqu'un d'extrêmement important pour moi. Elle a essayé au début de me faire comprendre que ma grand-mère n’était pas quelqu'un de bien, mais là c'était trop c'était ​ perdu d'avance, donc après elle a abandonné l'idée. Et depuis, avec ma grand-mère, c'était l'amour fou.

​Maria : Alors ça c’est intéressant : voyant que ​sur la relation avec votre grand-mère, vous n’auriez pas cédé, ​elle s’est rangée de son côté.

RG : Alors il y avait un intérêt aussi : c'est qu’elle savait les liens que j'avais avec ma grand-mère et quelque part, elle ne ratait pas une occasion de les faire péter à la gueule de ma mère pour la rendre jalouse.

​Maria : OK

RG : Voilà on débarquait, et elle n’avait acheté un cadeau que pour ma grand-mère, et pour personne d'autre. Donc après, ma grand-mère allait voir ma mère en disant : « Oh regarde ce qu’Emma m'a acheté, c'est magnifique ! » et ma mère, bon ben elle faisait un peu la gueule.

​Maria : D'après ce que je comprends, Emma aimait semer une atmosphère négative avec les gens qui comptaient pour vous. Même quand il ne s'agissait pas de séparation, le but était de créer le malaise dans votre cercle de proches.

RG : Oui c'est toujours le problème qu'il existe avec les pervers narcissiques sur ce que l’on appelle les doubles liens : Quoique l’on fasse, on n'a jamais raison.

Et ça, elle l'a fait avec ma mère. On a été la voir un été, et durant notre séjour, on allait à droite à gauche. Et à la fin de l'été, Emma a dit à ma mère : « Mais enfin on est en vacances, on aurait aimé un peu se reposer et on ne restait pas cinq minutes posés ». L'été d'après, ma mère nous a foutu une paix royale. Alors Emma lui a fait la gueule, et à la fin de l'été elle lui a dit : « On s'est fait chier, Il n'y avait rien à faire ». Voilà.

​Maria : Finalement comme le coup qu'elle vous avait fait en tout début de relation avec « tu veux sortir ou pas ? » Vous lui dites « on reste », et vous aviez tort de toute façon 🙂

RG : Mais c'est ça !

Signe d'alarme #​​4 : ​La femme PN ​repousse sans cesse vos limites

​Maria : D'accord je pense que ça nous amène à la caractéristique suivante qui est que le/la PN repousse toujours les limites de son/sa partenaire. Par exemple, comme on vient de le voir,  ​elle peut vous faire renoncer à passer du temps avec quelqu'un ​que vous aimez bien, mais cela peut porter sur tout autre type de limites. Est-ce que ça s’est aussi manifesté pour vous ?

​Ray Gasseville : Ah oui ! Oui oui. Elle a tellement repoussé les limites que sur la fin de notre relation, je n'étais plus qu'un zombie qui lui obéissait, en fait.

Alors ça a commencé dès le début : elle a fait quelque chose qu'aujourd'hui je vis vraiment très mal. A l’époque j'écrivais de la musique, et cette musique, ça la gênait parce que c'était sombre, parce qu'il y avait des chansons d'amour sur d'autres filles. Et elle n’a pas jeté ma musique : elle m'a demandé à moi d'aller la jeter. A force de me travailler des jours et des jours et ​de dire « si tu ne le fais pas je te quitte etc » un soir j'en ai eu marre, j'ai pris un sac poubelle, j'ai mis tout dedans, et je l’ai amené au local poubelles.

A partir du moment où elle a réussi à faire ça, pour moi elle avait gagné. C'est à dire qu'elle pouvait me demander n'importe quoi d'autre – la musique ça représentait 6 ou 8 ans de travail, avec des démos faites en studio etc. - c'était toute ma vie quoi. Et puis c'était une activité qui me permettait de ressortir tout le dark qu’il y avait en moi, toute la morbidité, et quelque part, me demander de la jeter, c'était véritablement tuer ma personnalité : 1/ tu arrêtes les concerts et 2/ tu jettes tout ce que t'as fait.

​Maria : Mais alors est-ce qu’avant de franchir ce pas, qui est quand même énorme, il y a eu d'autres petites limites qui ont été repoussées - sans nécessairement que vous en ayez eu conscience sur le moment d’ailleurs ?

​Ray Gasseville : Bah elle en a toujours un peu repoussé. Par exemple, elle nous a imposés un rythme effréné de déménagements. A chaque fois ça ne lui allait pas, il fallait qu'on déménage.

Après, elle s'était mis dans l'idée que j'étais amoureux d'une collègue de travail et elle m'avait interdit de parler à cette fille. Mais on avait des relations professionnelles et moi quand elle venait me demander quelque chose je ne pouvais pas lui dire « ma femme ne veut pas que je te parle ». Voilà.

Et c'était vraiment un travail pour Emma d'enlever tout ce qui pouvait faire partie de ma personnalité, tout ce qui pouvait faire en sorte que j'étais même un être humain.

​Maria : Oui il y a quelque chose que vous décrivez dans le livre qui moi m'a assez marquée :  vous expliquez que vous cherchiez à être utile et que l’on vous avait proposé un poste dans un domaine pas très lucratif mais qui vous intéressait. Et , si j'ai bien compris, qui correspondait bien à votre personnalité. ​Mais elle vous a poussé à prendre un poste dans une grande boîte, qui rémunérait mieux, mais qui était beaucoup plus stressant et qui manifestement n’était pas du tout en adéquation avec votre personnalité.

RG : Alors le poste dans cette grande boîte était intéressant soi, mais il y avait effectivement ce côté : « tu travailles dans le milieu associatif, alors que là regarde, on te propose un beau poste de cadre dans une grande entreprise ». ​Choisir ce poste était plus prestigieux ​que de travailler dans une association pour un petit salaire. J’en parle dans le livre parce qu'il y a ce côté prestige en fait. Et ça c'est quelque chose que j'ai retrouvé dans beaucoup de témoignages : le paraître et tout chez le PN. Et donc forcément, c'est toujours bien d'exhiber quelqu'un qui est ingénieur dans un fleuron de l'industrie française.

​Maria : Tout à fait. Donc dans les limites repoussées il y a eu la musique, le professionnel – bon ça venait un petit peu de vous mais elle a quand même poussé -, les relations familiales et amicales, les déménagements incessants. Est-ce que vous avez d'autres exemples de limites qui auraient été repoussées ?

Ray Gasseville : En fait j'ai appris un mode de vie avec elle. Pour moi donc qui suis très empathique etc. je n'ai pas trop l'habitude de me moquer des gens. Et avec Emma, il y avait ce côté « rire méchant », et vivre sans arrêt dans le conflit. Par exemple, on a toujours eu des problèmes avec les voisins. Et elle me mettait sans arrêt en première ligne pour gérer tout ça, alors que c'est ce que j'aime le moins au monde, moi qui déteste les conflits.

Signe d'alarme #​​​5 : ​Vous perdez votre identité

​Maria : Oui vous qui détestez le conflit, vous avez vécu et accepté de de vivre – donc c’est là où vous limites ont été repoussées - un conflit permanent.

Ray Gasseville : Oui avec tout le monde. Par exemple elle envoyait des lettres anonymes aux voisins - qui n'étaient pas dupes, ils savaient de qui ça venait - et quand les voisins sonnaient, elle me mettait devant la porte et c'était moi qui devais m'expliquer. Alors que bon, déjà, les lettres anonymes, ce n’est pas franchement mon mode de communication, et en plus, c'était sans arrêt.

Il y a un moment sur la fin de notre relation, où je ne me reconnaissais plus. A moment donné, on a eu un contact hyper violent avec un voisin, et je me revois devant cet homme - ​il devait faire deux fois ma largeur et trois fois ma hauteur - qui faisait du full contact. ​Il m'avait fait dégager de son jardin, et je me suis rapproché de lui pour dire « vas-y pète moi la gueule » ! Et je ne comprends pas d’où ça sort ! Quand je repense à cette scène je me dis « Mais je n’étais pas cette personne là, ce n’est pas possible ! ».

​Maria : Et ça c’était où dans votre relation ?

R​ay Gasseville : Là c’était vraiment sur la toute fin et j'avais vraiment tout perdu ​de ce que j'étais. Je n'avais plus de contact avec les gens. Dès que je commençais un peu à me lier avec quelqu'un, il fallait absolument qu'elle puisse le savoir. Si j'appelais mes parents ou mes grands-parents, il fallait qu'elle entende ce qui se disait. Voilà, donc je n'arrivais plus à créer le lien avec l'extérieur et je crois que j'avais refermé tout ce qui fait ma nature, mon côté un peu en empathique et sensible, pour n'être qu'à son service, qu'à son bonheur.

​Maria :  La question qui me vient à l'esprit – parce que bon, vous avez rencontré Emma très jeune – est-ce que finalement vos valeurs et vos limites vous les connaissiez, vous aviez eu l'occasion d'y réfléchir ? Ou c'est – si on peut le dire comme ça - dans le malheur que vous les avez découverts ?

Ray Gasseville : Je pense que pour toute personne qui vit une rupture, se dit, à un moment ​: « Qu'est-ce que je veux vraiment dans la vie ? Qu'est-ce que je dois retenir de ce couple ? Pourquoi ça n'a pas marché ? »

Et je crois qu'effectivement, c'est en me retrouvant moi-même après la séparation, que j'ai commencé à comprendre des choses.

Oscar Wilde a dit : « Etre un couple c’est ne faire qu'un, oui mais lequel ? ». Et effectivement je pense que quand on est en couple avec un pervers narcissique, la question ne se pose pas et on comprend tout à fait cette phrase. C'est un couple fusionnel, effectivement, mais fusionnel dans le sens où il y en a un qui se fait complètement absorber par l'autre.

​Maria : Tout à fait.

RG : Voilà. Il faut juste réussir à avoir assez de temps à s'accorder à soi pour savoir qui on est soi-même.

​Maria : Ce qui était impossible à l'époque avec une relation pareille.

RG : Alors j'avais une petite fenêtre de sortie puisque j'ai fait un burnout quand j'avais 24 ans, et à la suite de ce burnout j'ai commencé une thérapie. Et effectivement, là avec mon psychiatre, une demi-heure par semaine, j'apprenais un peu qui j'étais, ce que je cherchais, pourquoi j'avais peur de l'abandon. Mais c'est pareil hein : Emma exigeait quand même que je lui rapporte ce qu'on se disait en séance, quand elle ne m’accompagnait pas pour écouter derrière la porte…

​Maria : Ah carrément !

RG : Donc je ne parlais jamais d'elle, je crois.

​Maria : Parce que vous avez commencé à voir ce psychiatre à partir de votre premier burnout ?

RG : Oui au moment où j'ai fait mon premier burnout, et à partir de ce burnout, je suis rentré dans une série d'épisodes dépressifs, qui ​ont durés sept ans.

Signe d'alarme #​​​​6 : ​La femme PN vous humilie

​Maria : OK. Et ces épisodes dépressifs justement, on va y revenir dans un tout petit instant, mais avant ça, j'aimerais évoquer avec vous une autre caractéristique des pervers narcissiques, qui consiste à infliger des humiliations successives, d'abord par petites touches, puis de plus en plus intensément au fur et à mesure de la relation. Est-ce que ça s'est manifesté comme ça pour vous aussi avec Emma ?

RG : Alors ça c'est vraiment quelque chose qui a commencé un peu dès le début. Donc bon, il y a eu cet épisode où je me suis retrouvé en caleçon, que j'ai mentionné tout à l'heure.

Il y avait des petites choses comme ça. Il y avait des moments où, quand on s'engueulait, elle avait des mots un peu durs. ​Par exemple, ça ne me viendrait pas à l'idée de dire à la personne avec qui je suis en couple : « t'es moche ». Il y a eu pas mal de choses là-dessus, et en fait, il y a une particularité que j'ai retrouvée dans pas mal d'autres témoignages, c'est que souvent les humiliations sont vraiment faites sur le ton de l'humour. Par exemple au moment où j'ai commencé à gagner ma vie, on allait beaucoup au resto et j'ai pris beaucoup de poids. Et elle avait tenu à me photographier de profil ​puis elle me montrait cette photo et elle la montrait aux autres en disant « Vous avez vu son ventre etc. » Et ce n'était pas quelque chose que je vivais bien, forcément.

​Et petit à petit il y a eu vraiment ce manque de respect qui s’est amplifié. C'est-à-dire que, au fur et à mesure que je tombais dans cette dépression, elle avait de moins en moins de respect pour moi. Et ça a continué après la séparation.

J'ai retrouvé dernièrement un email qu’elle m'avait écrit après que l'on se soit séparés ​où elle me ​disait : « Je t'ai croisé dans la rue, tu me fais de la peine. On voit que tu as pris beaucoup de poids. Tu t’habilles n'importe comment, tu sors décoiffé. Tu ressembles juste à une loque ». Voilà. C'était quand même très très fort.

​Maria : C'était des propos extrêmement violents !

RG : Et ça a été contrebalancé, dans le même mail - pour que je me reprenne en main – par la phrase :  «Mais souviens toi que quand tu avais 20 ans, tu te tapais une bombasse ! ».

​Maria : Qui était elle ??!!

RG : Voilà 🙂 Ma seule qualité avait été de réussir à la mettre dans mon lit. Et quand je l'ai relu dernièrement, ce mail, je me suis dit : Comment, en le lisant à l'époque, je n’ai pas réalisé que ça ne va pas de dire des choses comme ça ! 

​Maria : C'est fascinant​. Donc en fait elle vous insultait ​alors même que vous étiez ensemble et qu'elle disait vous aimer. Elle disait qu'elle voulait se marier avec vous, et dans le même temps, il y avait des insultes très violentes et dénigrantes.

RG : Dénigrantes, et puis quelque part, à vouloir vraiment couper ce rôle que je pouvais avoir de mari, puisque sur la fin de notre relation, elle me disait : « J’ai rencontré un homme, je suis amoureuse de lui, et je vais peut-être coucher avec lui ». Elle me racontait ça à moi, qui était son mari. C'est assez humiliant.

​Maria : Ah ben complètement ! Et vous pensez que vous avez été amené à accepter ces humiliations parce que c'était un processus graduel, comme on l'entend beaucoup ? Qu'est-ce qui explique, selon vous, qu’à ce stade vous acceptiez qu'elle vous dise comme ça : « Ben voilà je vais voir quelqu'un d'autre et puis je vais coucher avec » ?

RG : Alors je pense que j’ai jamais eu beaucoup d'amour propre et que là je n'en avais absolument plus.

Il y a un moment dans le livre où je parle de zombies, de Walking Dead et tout ça, parce que quand je me revois à l'époque, je vivais en pilote automatique.

​Maria : Donc vous ne ressentiez plus d'émotions à ce moment-là ?

RG : Non. Et puis il faut aussi dire que à ce moment-là, ça faisait quelques années que j'étais dans les médicaments suite à la dépression. Je prenais des antidépresseurs, beaucoup d’anxiolytiques, et donc ça passait.

Signe d'alarme #​7 : ​La femme PN ​utilise vos faiblesses pour vous attaquer

​Maria : Ca me fait penser à la caractéristique suivante : les pervers narcissiques sont connus pour utiliser les faiblesses de leur partenaire ​afin de les retourner contre eux. Ce sont ces faiblesses qui seront toujours utilisées pour justifier les humiliations. Dans votre cas, qu'est-ce que ça a été ?

​Ray Gasseville : Il y a eu la dépression. Je suis dépressif chronique et effectivement, il y avait beaucoup de morbidité en moi. Emma était une des rares personnes à qui j'avais parlé de ma tentative de suicide à 17 ans. Et ellle me disait que j'étais tout le temps en train de me suicider, que je faisais ma Drama Queen. Voilà. Tout ça pour me mettre bien dans la tête que j’étais quelqu'un qui se donnait un genre. Et ça dès le début elle me le disait. Elle me disait : « Mais arrête, c'est ridicule ! Tu essaies juste de te donner un genre, d'être le mec un peu morbide qui est tout le temps malheureux ». Alors que moi ce n'était pas un genre, notamment parce que je vivais dans un déni à l'époque de choses qui m’étaient arrivées, et ces choses ne sortaient pas.

​Maria : Et comme vous venez de l'expliquer, Emma utilisait cet état dépressif pour vous rabaisser régulièrement en vous reprochant que vous faisiez la comédie, que vous vous laissiez aller etc.

RG : Oui voilà. Ce que je je vois maintenant, avec le recul, c'est que c'est un peu comme si elle me tenait la tête sous l'eau en me reprochant de me noyer. Elle alimentait beaucoup mon angoisse, et après elle pouvait me reprocher de prendre des cachets etc. Alors qu’elle savait ce qui m'était arrivé, parce qu'elle a été la première personne à qui j'ai expliqué ce qui m'était arrivé enfant.

 ​Maria : A propos de ce traumatisme vous expliquez dans votre livre qu’il vous a conduit à faire quelque chose que vous regrettez énormément, et qu’Emma a d'ailleurs largement utilisé pour maintenir son emprise, même après la fin de la relation.

RG : Tout à fait.

La femme PN : ​S'en libérer par la parole

Maria : Alors comment je disais tout à l'heure, peut-être qu'on va y consacrer un podcast séparé dans lequel on examinera comment tout ça a pris forme concrètement, jusqu'où ça vous a mené, et comment vous en êtes sorti. Mais en attendant, et pour conclure cette discussion, parce que ça fait déjà près d’une heure qu’on parle – le temps passe vite 🙂 - j'aimerais encore vous poser quelques questions en rapport avec votre livre.

La première question que je voulais poser c’est : qu'est-ce qui vous a conduit à écrire ce livre ? Parce que c'est un acte très courageux de vous exposer comme ça, d'exposer votre intimité et ces moments émotionnellement lourds de votre vie, alors qu'est-ce qui vous a permis de franchir le pas ?

Ray Gasseville : En fait le livre ça a été une idée de ma thérapie qui m'a dit, quand je lui ai raconté mon histoire, que je devrais écrire un livre.

​Maria :  Ca c’était une autre thérapeute que votre psychiatre ?

RG : Voilà. Je ne suis plus en rapport avec le psychiatre que j'avais quand j’étais en région parisienne et c'est une thérapeute spécialisée dans les pervers narcissiques. Et en fait elle m'a dit : « votre histoire est super intéressante, vous devriez l'écrire ». Alors j'ai commencé à l'écrire. Pour moi ça a été une manière de me ré ancrer dans ma vie, c'est-à-dire que chaque fois que j'écrivais un chapitre, je me remettais tel que j'étais à l'époque. Donc c’est vraiment écrit en sujet subjectif : je ne ​raconte pas les faits avec mes connaissances d'aujourd'hui. ​Je raconte vraiment ce que je faisais et ce que je pensais à ce moment-là de ma vie. Et ça m'a permis, page après page, de remonter toute ma vie et de me ré ancrer dans mon histoire.

Alors ​on en parlera la prochaine fois, mais j'ai vécu du « gaz lighting », c'est-à-dire qu’Emma a réussi à me faire croire que ma mémoire était faussée, que je me faisais des films, et que j'avais vécu une autre vie. Et ce livre, ça m'a vraiment permis de reprendre possession de mes souvenirs, ce qui fait que quelque part, j'ai compris comment je passais d'une étape à une autre, comment les choses se sont passées progressivement, comment je me suis retrouvé dans certaines situations etc. Et j'ai voulu que ça soit sans tabou, y compris au plus fort de la dépression où je raconte la dépendance à l'alcool, aux médicaments. Et après avoir terminé ce travail, je me suis dit qu’il pourrait peut-être aider d’autres personnes, qui auraient vécu des choses similaires. Et ce livre se veut comme quelque chose de positif, comme un parcours initiatique. Pour dire que voilà, on s'en sort.

​Maria : Est-ce que vous savez si Emma a pris connaissance de ce livre et si oui, comment elle y a réagi ?

RG : Alors Emma sait que le livre existe, comme le texte écrit avec Anne-Clothilde Ziegler. Savoir si elle l’a lu ou non, j'ai envie de dire que ça ne changerait pas grand-chose car pour elle – et pour pour reprendre les termes d'un dirigeant mondial – il s’agit de « faits alternatifs ». Ce n'est pas des choses qui ont existé. Aux dernières nouvelles je suis menacé de plainte pour diffamation et divulgation de la vie privée. Et alors il y a eu plusieurs choses de sa part… Il y a eu que les pervers narcissiques n'existaient pas, que le pervers narcissique c'était moi, enfin bon… D’après ce que je lis dans les témoignages, on vit tous la même chose !

Vous pensez être victimes de PN : Quelques conseils

​Maria : Avec le recul, les discussions avec votre thérapeute, et justement le fait d'avoir écrit ce livre, auriez-vous des conseils à donner ou aux auditeurs qui pensent se trouver dans une situation similaire à la vôtre ?

Conseil #1 : Conservez les traces

Ray Gasseville : Je pense déjà que dès que l'on a un soupçon d'être en présence d'un pervers narcissique il faut garder des traces. Il faut faire des screens des SMS, garder toutes les communications électroniques possibles, parce que ça pourra toujours servir.

Conseil #2 : Lire les témoignages de victimes

Après si on veut vraiment savoir si on a affaire à un pervers narcissique, je pense que la lecture de témoignages est intéressante. Et de voir toutes les ressources qu’il y a. Anne Clotilde Ziegler a fait une vidéo sur YouTube qui est extrêmement bien faite parce qu'elle détaille assez suffisamment toutes les situations pour qu'on comprenne. Pour moi ça a été une révélation. C'est-à-dire qu’avant, je me demandais avant si c'était ou non une femme pervers narcissique, et pendant la vidéo j'avais l'impression qu’Anne-Clothilde Ziegler était dans un coin de la pièce en train de prendre des notes pendant qu'on s'engueulait !

Conseil #3 : Se faire aider par un/une professionnelle

Après, le diagnostic - et ça c'est extrêmement important - ne peut venir que d'un spécialiste. Alors psychiatre, thérapeute, ce n'est pas très grave. Ce qui est important, c'est que ça vienne de quelqu'un spécialisé dans les violences psychologiques et les pervers narcissiques, c'est encore mieux. Aujourd'hui il y a encore énormément de personnes qui travaillent dans le secteur de la santé et qui ne comprennent pas bien les violences psychologiques. Je suis même tombé sur des psychiatres qui ne comprenaient pas bien l'emprise ! Ou pour qui l'emprise n'existe pas. Voilà. Donc il faut vraiment trouver quelqu'un de spécialisé là-dedans.

Et après alors je pense qu'il faut sortir de l'isolement. Et moi j'ai de temps en temps des personnes qui entrent en contact avec moi et je sais que ça fait du bien. Il y a deux ans j'ai envoyé comme ça quelques mails à des personnes dont je regardais les vidéos parce que, quelque part, on a besoin de ne pas se sentir seul et de pouvoir en discuter avec des gens qui ont vécu des choses similaires. Quelquefois aussi c'est plus facile de se confier à des inconnus et à des gens qui ne nous connaissent que par un pseudo.

Et enfin, le travail thérapeutique, bien sûr, est primordial pour se sortir de tout ça.

​Maria : Alors s'il y a parmi les auditeurs des gens qui souhaitent entrer en contact avec vous - que ce soit pour vous lire ou pour discuter directement avec vous – où peuvent-ils le faire ?

​Ray Gasseville : Alors j'ai une page Facebook et un ​compte Twitter.

​Maria : Ray je vous remercie beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé.

RG : Merci à vous Maria.

M​aria : Et je vous dis et à bientôt J

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5 réflexions sur “La femme PN : Mon interview avec Ray Gasseville (Podcast #1)”

  1. He ! Bravo Maria !!
    C’est chouette et ça se fête dis-moi comme expérience et en plus le résultat est vraiment bien;
    Merci à toi.

  2. Très instructif ce podcast Maria ! Ray Gasseville s’exprime vraiment bien et je trouve très impressionnant d’entendre tout cela décrit par quelqu’un qui l’a vécu…

  3. Tout se recoupe et il ne reste plus qu’à se rendre à l’évidence. Victime indirecte d’une PN, j’aimerais pouvoir obtenir la retranscription de l’interview de Ray, je vous en remercie, Marie

    • Chère Marie,
      Merci pour votre commentaire.
      Par contre je ne suis pas sure de comprendre votre question : la retranscription intégrale de l’interview est déjà sur la présente page. Elle ne s’affiche pas pour vous ?

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