
Dans un précédent article, je vous rendais attentifs au premier piège du développement personnel que sont les dérives ésotériques et le charlatanisme.
Aujourd'hui, je voulais vous parler d'un second piège, plus pernicieux celui-là : l'invitation à devenir "la meilleure version de soi-même".
Alors pourquoi cette excitante proposition n'est au final qu'un vulgaire traquenard ?
Eh bien parce que, selon moi, ce n'est rien d'autre qu'un remake de l'illusoire "je me sentirais mieux quand j'aurais acquis cette nouvelle maison, cette nouvelle voiture, ce nouvel écran plat, ce nouveau blouson ...". Cette fois-ci, par le biais d'expériences ou de biens immatériels.
En effet, après avoir réalisé que les possessions ne faisaient pas le bonheur, nous pensons pouvoir le trouver dans une course à l’épanouissement individuel. Alors qu'il y a 50 ans, on passait notre temps à tenter d'acquérir plus, désormais, on a pour obsession de s'améliorer, de se "réaliser".
Et ça donne : je me sentirais mieux quand j'aurais fait plus de sport, visité le Viet Nam, écrit un roman, commencé la méditation, trouvé ma beauté intérieure, changé de travail...
Sauf que…Sauf qu'on s’inscrit à ce nouveau cours de Pilates et qu'on arrête après 3 séances, que notre visite au Viet-Nam a le goût d'un attrape-touriste, qu'on se coupe les cheveux et qu'on déteste sa tête 6 mois plus tard, qu'on change de job et que le second est tout aussi ennuyeux que le premier.
Je me dis que si c'était possible, on se ferait sans doute renaître tous les 5 ans : dans une autre famille, sur un autre continent, dans un autre corps, avec une autre personnalité...
Et le problème c'est que cette préoccupation constante pour "devenir meilleur" semble ne pas nous rendre plus heureux, mais au contraire, plus anxieux.
D'ailleurs, selon une large étude publiée dans la revue de la Société américaine de psychologie, l'anxiété chez les jeunes américains d'une vingtaine d'années est en progression constante depuis les années 50.
Si ce sentiment est en partie dû aux transformations continuelles de notre environnement, la pression insidieuse pour être à la hauteur - tant au plan tant professionnel que familial - pèse sur toute la population et contribue largement à l'agitation ambiante (angoisses diffuses, crises de paniques, burn-outs, phobie scolaires, dépressions) qui se répand actuellement comme une épidémie dans nos sociétés.
Aujourd'hui, la question n’est plus « que m’est-il permis de faire » - comme c’était le cas lorsque les carcans religieux et traditionnels n’avaient pas encore été brisés, mais « suis-je capable de le faire ? ».
Et cette question entraîne avec elle son lot de frustrations, de déceptions et d'épuisement.
Alors bien évidemment, je ne plaide pas en faveur de la stagnation - on a tous besoin d'avancer en fonction de l'évolution de nos besoins et de nos situations au fil du temps.
Mais je mets en garde contre ce nouveau mode de pensée qui suggère qu'en se fixant des "objectifs de vie" ou en "réalisant ses rêves", on accède enfin au bonheur et à l'essence de son existence.
Déjà parce que même si c'était vrai, il faudrait s'assurer de bien poursuivre ses rêves propres, et pas ceux d'un autre ou de la société, ce qui implique des compétences introspectives particulièrement poussées. Ensuite parce que les rêves évoluent constamment, et que ce n'est pas parce que l'on en a réalisé un que l'on cessera de rêver !
Selon mon expérience, il n'y a pas de "meilleure version de soi" quelque part dans le futur, à découvrir après avoir franchi une haie d'obstacles. Il y a juste un soi en perpétuelle évolution qu'il faut apprendre à aimer tel qu'il est, dans un éternel présent.
Et vous, qu'en pensez-vous ? Qu'avez vous tiré de la réalisation de vos "objectifs de vie ?"
Oui, oui, oui et oui! A force d’essayer de devenir toujours plus on fini par devenir un parfait insatisfait! Je pense que tout est une question d’équilibre PERSONNEL. Tout le monde ne cours pas après une fortune démesurée. Très bon article;) Jasmine
Chère Maria, franchement j’adore cet article. Tu mets le doigt sur un point capital et je partage tout à fait ton analyse. La meilleure version de nous-même, elle est là, maintenant, aujourd’hui : c’est justement parce qu’on est tellement peu dans l’instant et tellement trop dans les chimères d’un demain différent qu’on ne la voit pas ! Le développement personnel, ce n’est pas de courir après quelque chose de différent, c’est trouver les ressources infinies que nous avons déjà au fond de nous. En tous cas, c’est comme ça que je vois les choses. Merci pour cet excellent article !
Super point de vue Maria 🙂 Je pense que comme tout il faut un équilibre, avoir des objectifs personnels/professionnels en constante évolution, mais profiter de l’instant présent aussi. Savoir apprécier ce que l’on a déjà, mais se surpasser fait quand même du bien au moral !